Mais cette course aura une fin soit, par le changement des rapports de force, soit par la volonté du temps qui fait son œuvre, temps qui a déjà eu raison de Mobutu Sésé Séko et récemment de Lassana Conté. L’observateur averti peut se consoler en constatant que tout est vanité sur la terre des hommes. Il faut cependant s’interroger sur les raisons de l’émergence en Afrique de tels diables destructeurs.
La mauvaise gouvernance, l’absence de perspectives, l’avidité et l’impatience de certains gouvernants et de potentiels dirigeants expliquent en partie l’émergence de ces hommes sans foi ni loi. La richesse de certains pays soumise à un pillage incontrôlé provoque également des dérapages.
Le soutien de puissances extérieures, les trafics illicites d’armes, d’êtres humains et de ressources naturelles constituent des facteurs aggravants avec la constitution de bandes criminelles transnationales.
Les populations sont les principales victimes. Instrumentalisées, elles deviennent les actrices de leur propre destruction. Des préjugés savamment fabriqués et entretenus permettent de semer une division profonde entre les fils d’un même pays.
Les rebellions au Soudan et au Tchad, les tensions au Kenya et au Zimbabwe, montrent toutes, les difficultés liées à la gestion mauvaise du pouvoir, à l’accaparation des biens matériels et symboliques et à la pluralité des attentes sociales non satisfaites.
La mal gouvernance et la violation des droits humains les plus élémentaires constituent les sources principales des violences en Afrique.
Certes, les seigneurs de la guerre comme Taylor, Bemba et Nkunda sont les responsables de premiers plans mais, sont-ils «les seuls coupables…?». Les dirigeants au pouvoir, les leaders de l’opposition politique, les patrons du secteur privé, les acteurs de la société civile, les journalistes, les animateurs des organisations internationales ont chacun une responsabilité. Le cas de la Guinée est assez illustratif.
Au nom d’une souveraineté délinquante, et malgré la contestation manifeste du peuple aux abois, la communauté régionale, africaine et internationale a fermé les yeux sur un pays qui se meurt. Il a fallu attendre la décision du temps pour crier aux sorciers avec l’avènement du régime militaire.
Dans un pays où les institutions étaient bloquées depuis plus de deux décennies, il est surprenant de constater l’attitude des «démocrates» du monde face au changement en Guinée. Cela pouvait être facilement compris si ces mêmes «démocrates» n’avaient pas un comportement presque complaisant face à la Mauritanie, un pays où les institutions marchaient assez bien.
En somme, nous sommes tous interpellés à ne pas donner raison à ceux qui pensent que la démocratie est un luxe pour l’Afrique où les successions au pouvoir sont loin d’être pacifiques dans le respect des lois fondamentales. Chacun devrait travailler à faire de l’Afrique un terreau infertile pour l’émergence des seigneurs de la guerre, pour la naissance de anti-héros. L’Afrique doit maintenant être le champ où germent et poussent les héros qui savent se mettre au service des citoyens, qui savent servir et non se servir, qui placent l’intérêt commun au premier plan, qui gouvernent et non qui règnent.
Pour une société de progrès continu, chaque composante de la société doit faire violence sur soi pour l’émergence d’une véritable démocratie dans chaque pays africain. L’exemple ghanéen (…) mérite d’être cité.
Par Ibrahiman SAKANDE