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Les dirigeants africains face à l’insécurité judiciaire

par Bacary Goudiaby 17 Mai 2009, 17:30 Analyses & opinions

La doyenne des juges du pôle financier du tribunal de Paris a déclaré recevable une plainte déposée par Amnesty International France contre trois chefs d’État africains : Denis Sassou Nguesso du Congo, Omar Bongo Odimba du Gabon et Teodoro Obiang de Guinée équatoriale.

Nous n’avons pas encore sauvé le président Bechir, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crime de guerre et crime contre l’humanité, qu’il faut déjà s’inquiéter de possibles déboires judiciaires de trois autres despotes !
Évacuons les répliques instinctives : en matière criminelle, les génocides et crimes de guerre commis par le colonialisme européen, l’interventionnisme américain et les massacres israéliens en Palestine sont sans commune mesure avec les tueries parfois organisées par les pouvoirs locaux ; en termes de pillage économique, nos responsables ne font que perpétuer le saccage des richesses du tiers-monde engagé par les puissances occidentales.

Mais ceci n’excuse pas cela. Bien au contraire : en combattant nos propres abus, nous serons plus fondés à dénoncer les agressions externes. Le fait accompli colonial ou impérialiste ne peut justifier l’impunité des abus de tyrannies meurtrières et dilapidatrices autochtones qui lui ont succédé. Comme l’impunité du premier ne peut excuser l’impunité des secondes.
Pour rester dans l’actualité, l’Afrique du Sud, qui symbolisait l’ambition africaine pour un ordre juste et démocratique en Afrique, vient de décevoir cette espérance en se donnant un Président qu’elle venait d’extraire à la justice qui le poursuivait pour corruption.

L’Angola, de son côté, est représenté par Charles Pasqua qui se débat dans une autre affaire de corruption du style Françafrique. Ne parlons pas des potentats qui, comme El-Kadhafi, cultivent une vision patrimoniale de leur pays et même de leur peuple. Notre pays oscille entre la 92e place et la 99e dans le classement de l’indice de corruption. Il est de notoriété publique que l’hémorragie des transferts en devises constitue une calamité pour les finances nationales. Reconnaissant cette plaie, le Président vient de réitérer la promesse “de poursuivre et d’intensifier la lutte contre les pratiques du favoritisme et les passe-droits et contre la corruption en Algérie dont les effets contribuent à saper les motivations…”

L’Afrique offre le spectacle d’un espace dont les peuples endurent l’emprise prédatrice, tribale ou clanique. Souvent, le butin est transposé dans les ex-métropoles et mis là, à l’abri des conditions politiques aléatoires que les dirigeants des ex-colonies ont eux-mêmes imposées à leur pays.
Dans ces pays d’accueil, le droit s’impose parfois à leurs pouvoirs. Les protections politiques ne jouent alors plus. Et, comme dans le cas des présidents congolais, gabonais et équato-guinéen, les dirigeants affairistes peuvent être confrontés aux effets du principe du primat de la loi. Même les ligues et unions régionales, qui servent de réseau de solidarité aux régimes, deviennent inopérantes dans un contexte d’indépendance de la justice.

Cette insécurité judiciaire est parfois combattue par les peuples victimes comme effet de l’ingérence, mais elle constitue, pour l’heure, le seul frein aux abus de leurs dirigeants exploiteurs.

 

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