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De la transmission parents - enfants dans notre communauté

par Akodien 28 Octobre 2007, 18:04 Opinions

Chaque individu appartient à une structure qui est à la base de sa socialisation… un groupe ethnique, une communauté, une religion ou un pays. Cette structure sociale lui transmet des codes, des valeurs et autres repères culturels nécessaire à son équilibre personnel et indispensable pour définir son identité et se positionner au mieux dans son environnement, qu’il s’agisse d’un environnement d’origine ou d’un environnement «d’accueil». Le fait de perdre ses valeurs est un véritable «handicap» social pour tout individu… Alors que dire de ceux qui ne les ont jamais eu, tout du moins dans leur totalité.

La cellule familiale est certainement l’élément le plus important dans le processus de socialisation et «d’identification». La communication, notamment avec ses parents, est donc primordiale pour acquérir ces fameux repères. Entre les parents Africains et «nous» leurs enfants, la communication, en «terre d’accueil» tout particulièrement, est devenue un véritable casse-tête chinois. D’un côté nous avons les adeptes du foufou et du Mbalax traditionnel, et de l’autre nous avons des "Africano-franco-pseudoaméricains", persuadés que le 9-3 se trouve à la frontière du Bronx et de Campton.

Ce mélange des genres donne des inconnus dans la maison… Ou quand un descendant de royaume Mandingue doit élever un représentant du Wu Tang Clan…

Mais d’où vient cette incompréhension?
La culture, les codes ou les valeurs ne se transmettent pas qu’à travers les paroles de nos parents. Ainsi plusieurs composantes du «corpus social» concours à notre «socialisation», et cela où que nous vivions. L’école, la rue, la télévision, le travail ou les relations avec nos amis sont autant de vecteurs «d’éducation», donc de socialisation. Nos parents Africains, ont grandi dans un environnement différent du nôtre. L’éducation qu’ils ont reçue de leurs propres parents était, par exemple, relayée par les professeurs à l’école ou les personnes dans la rue. Partout où ils allaient les valeurs étaient les mêmes et l’ensemble de la société, de la télévision au simple passant, du cousin germain à la commerçante d’en face, se faisait un devoir de les transmettre.


En France, la donne est totalement différente.
Quel choc pour nos parents d’apprendre que des enfants peuvent dire «je m’en fout !» à leur professeur… Quel choc encore plus grand pour le prof quand les dits parents lui reprochent de ne pas avoir «chicoté» l’enfant récalcitrant…

Tandis que nos parents nous apprennent la pudeur, le respect de notre corps, l’on découvre effaré que la maman de notre pote, blanc lui achète des capotes et lui demande de ramener sa copine à la maison pour s’éclater… Le sacrilège absolu aux yeux de nos parents ! Qui ne s’est jamais retrouvé assis sur le canapé, entre son papa et sa maman, au moment fatidique où une scène d’amour démarre dans un film américain ? … Une goutte de sueur dégouline de votre front quand votre père vous foudroie du regard parce que vous n’arrivez pas à attraper la télécommande avant que les acteurs ne commencent à… à… vous savez quoi…. Sachant que vos frères et sœurs, bien plus "sioux" que vous, avaient déjà anticipés et se sont discrètement échappés du salon…

Que devenons nous en penser? Nos parents sont des sauvages arriérés ? La société occidentale est trop laxiste ? En fait, il n’est pas question de juger la société occidentale, mais de décrypter le message que nous transmettent nos parents à ce moment précis, et qui est que ses valeurs, ne sont pas les nôtres. Mais ce message-là, on a beaucoup de mal à le capter, et encore plus à le comprendre…

Une responsabilité partagée.
Trop souvent, les parents Africains refusent de transmettre leur culture à leurs enfants. Comment ? En refusant de leur donner des noms d’origine, de leur apprendre leur langue, de leur parler de leurs pays, cultures, coutumes d’origine, etc. , en ne valorisant pas leur identité… Tout ça dans le but d’en faire de «bons petits français»… si bons petits français que leurs rejetons Bac+5, estampillés « Noirs pas comme les autres », finissent par voter Nicolas…

Le piège de la socialisation par la cité. Sur beaucoup de points, la structure sociale de la cité (du début des années 80) est proche de l’environnement qu’ont connu nos parents. On est «entre nous», tout le monde se connaît, le respect des adultes, etc… Si il est vrai qu’en Afrique un enfant peut se faire gronder (pour ne pas dire corriger) par tout adulte le voyant avoir un comportement déviant dans la rue (comme taguer sur un mur ou fumer dans un lieu interdit), ce n’est pas le cas dans la cité, et encore moins en France. L’environnement de la cité aurait bien au contraire tendance à encourager ces mauvais comportements plutôt que de les interdire. De plus, la Cité représente un piège car elle fait courir à ses habitants un risque d’emprisonnement identitaire. Emprisonnement aggravé par le fait que les repères dictés par la cité rendent sa population quasiment «inadaptée» aux réalités de la société française avec ses codes et ses contraintes…
Des repères éparpillés dans l’espace et dans le temps. Trop souvent nous regardons l’Afrique avec un regard passéiste. Comment dans ce cas parvenir à puiser des ressources et des repères en elle, si nous l’estimons comme le pays lointain des fables de notre enfance ?… Encore pire, si nous sommes persuadés qu’elle ne peut être valorisée que 1500 ans avant Jésus-Christ ? Ce ne sont pas nos amis «Egyptomaniaques Kémites», adeptes d’Osiris et autres hôtels Ibis (c’est pas drôle je sais, mais ça fait du bien), qui vont nous permettre d’appréhender l’Afrique dans sa réalité présente, avec ses bons et ses mauvais cotés, pour mieux nous projeter dans son futur… mais revenons au sujet.

Souvent les jeunes Noirs de France recherchent une valorisation de leur identité «Black» dans l’image des «Noirs Américains». Leurs musiques de prédilection, leurs références culturelles, leurs modèles de grands hommes et femmes sont très souvent Afro-américains. Quel casse-tête pour les parents qui ont déjà du mal à saisir l’origine des décalages avec leurs enfants dans la société française. Alors si en plus ils doivent intégrer «Boyz in da Hood, Oprah Winfrey, Kobe Bryant et 50 Cent» pour comprendre leurs comportements, c’est la fin des patates douces (je n’ai pas envie de dire des haricots).

Intégration par l’assimilation.
La société française impose l’assimilation comme forme d’intégration sociale. C’est en oubliant ses origines et en adoptant au maximum les codes et le mode de vie français que l’on devrait «s’en sortir»… Contrairement à l’Angleterre ou aux États-Unis, la société française nous oblige à nous éloigner de notre culture (oublier son nom Afro, avoir honte de son accent, cacher sa religion,…) pour réussir à passer entre les mailles du filet et trouver un appartement dans un quartier chic…. Et encore…Cet état de fait complique une fois de plus la tâche des parents dans leur démarche de transmission .


Comment se manifestent ces décalages ? Deux exemples :
L’urgence. Nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. L’une des plus difficiles à saisir est l’urgence de son statut de petits-enfants de l’Indépendance donc d’ex-colonisés. Pour nos parents, il est évident que nous devons nous surpasser pour devenir «quelqu’un» et relancer le pays. C’est d’ailleurs dans cette démarche qu’ils nous ont emmenés en France. Le fait que nous (leurs enfants) ne percevions pas cette urgence, ou que nous ne la placions pas au même niveau, crée moult difficultés. Allez dire à vos parents que vous voulez devenir «saltimbanque», alors qu’ils savent que le pays à besoin d’instituteurs et que eux n’ont pas eu le droit d’aller plus loin que la classe de 3ème durant la colonisation.
Un jeune Africain qui devient «quelqu’un» en Europe doit avoir conscience de ce qu’il représente en terme d’espoir pour son continent d’origine… même s’il ne l’a jamais connu…

Au-delà de la stupidité puérile de l’âge, il est fréquent que les enfants d’Europe mettent inconsciemment en doute la pertinence et surtout l’urgence des doléances de leurs parents, sous prétexte qu’ils sont simples vigiles chez Carrefour ou femmes de ménage… oubliant qu’ils ont un jour été médecins ou avocats dans leur pays d’origine…

Le mode de communication.
Incompréhension et rejet. La culture Africaine est faite de non-dits, de tabous subtilement évoqués et de rituels. La communication s’en trouve fortement imprégnée. La notion de préalable ou de confiance évidente est un facteur perturbant dans les relations avec nos parents. Il arrive ainsi que nos parents ne mesurent pas l’importance qu’il y a à nous «expliquer» les raisons ou le fondement de leurs dires, car nous sommes «sensés comprendre»… et même si nous ne comprenons pas « ils n’ont pas à s’expliquer ». Or la culture n’est pas innée, on ne peur pas comprendre un message si on a pas les outils pour le décoder. Autrement dit, il va de soi que nous ne comprenions pas leur langue, puisqu’ils ne nous ont jamais appris à la parler.


Comme je le disais plus haut, c’est le «corpus social» dans son entierté qui transmets la culture. Ainsi, lorsque nos parents ont grandi avec l’interdiction formelle d’avoir des «petits ami(e)s», ils pensaient que cet interdit s’imposerait tout "naturellement" à nous. Ils étaient loin de se douter que c’est tout l’inverse qui est véhiculé à la télé, à l’école ou dans la rue au sein des sociétés occidentales où ils ont immigré… Au fait, ils n’ont qu’à accepter d’ouvrir les yeux pour le comprendre, et anticiper nos réactions.

Le pire c’est que en creusant un peu, on s’aperçoit que les choix que nous imposent nos parents obéissent à une logique, acceptable ou non, à un raisonnement fondé, et se réfère à une expérience sociale parfaitement explicable. Mais comme ils ne prennent jamais la peine de nous l’expliquer… Nous les jugeons arriérés, dépassés, "out", racistes…

Quels sont les enjeux de la transmission?
Cette situation est malheureusement commune à une grande majorité de jeunes Africains ayant grandi en France. Le décalage culturel avec nos parents a pour conséquence d’aggraver l’incompréhension que certains noirs ont de leur propre identité. Cette incompréhension mène fatalement au développement des complexes, à la dilution de l’héritage culturel ou à affaiblir la volonté des jeunes Noirs a faire évoluer leur propre situation dans leur pays «d’adoption». Alors pour ce qui est de leur pays d’origine , il faudra repasser…


Le danger de ne pas connaître et comprendre notre identité de la bouche de nos parents, est que nous acceptions les clichés qui nous caractérisent dans la société française. "Nous ne sommes pas organisés", "nous ne sommes pas réfléchis", "nos parents sont des sauvages" (mariage forcé, excision,…), "nous ne sommes bon qu’à danser et courir"… C’est grossièrement la manière dont notre image est véhiculée, il est donc important de reprendre la parole… et de la redonner à nos aînés… Afin qu’eux puissent nous redonner une identité et des valeurs qui nous sont propres.
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